Les armures médiévales
Protéger, incarner, impressionner
Une armure n’est pas qu’un empilement de métal : c’est une seconde peau façonnée pour survivre et paraître. Elle naît du feu, du marteau et de l’œil du maître armurier, puis épouse le corps jusqu’à devenir silhouette, blason, identité. De la cotte de mailles celtique aux harnois de plates de la Renaissance, les armures médiévales racontent l’histoire d’un monde où l’on cherchait, sans cesse, l’équilibre entre protection, mobilité et prestige. Elles ont servi à la guerre, aux tournois, aux cérémonies, et elles fascinent encore parce qu’elles mêlent ingénierie et beauté.
Frise chronologique
des origines antiques aux harnois de plates
Contenu réductible
• Grecs (VIIe–IVe s. av. J.-C.)
La panoplie de l’hoplite, avec cuirasse de bronze (thorax) et casque corinthien, est conçue pour la phalange : le guerrier est un maillon d’un mur de boucliers. Le grand aspis (bouclier rond) crée une protection collective ; l’armure est lourde mais rationnelle. Des variantes comme le linothorax (lamelles collées sur lin) montrent déjà la recherche d’un meilleur rapport poids/protection.
• Celtes et Gaulois (IVe–Ier s. av. J.-C.)
Les Celtes perfectionnent la cotte de mailles : des milliers d’anneaux rivetés forment une tunique souple, résistante aux coups de taille. Les casques gaulois (bronze/fer) peuvent être finement décorés ; les boucliers ovales à umbo central combinent parade et frappe. Cette maille « exportée » à Rome deviendra l’une des bases de l’armurerie médiévale.
• Romains (Ier s. av. J.-C.–IIIe s. ap. J.-C.)
Les légionnaires alternent trois modèles majeurs : loricahamata (maille durable), loricasquamata (écailles cousues, surface rigide) et loricasegmentata (bandes articulées, très mobile). Les casques galea intègrent protège-nuque et joues articulées ; le scutum rectangulaire autorise la tortue, prouesse de défense collective. L’armure devient un système, pas un objet isolé.
• Vikings (VIIIe–XIe s.)
Pragmatiques, les Vikings privilégient la mobilité : spangenhelm (casque segmenté avec nasal), cotte de mailles pour les riches, bouclier rond en bois peint, parfois cerclé. L’ensemble permet raid, bataille navale et mêlée au sol. Pas de cornes : le mythe vient du XIXe siècle, pas des sagas.
• Normands (XIe s.)
La panoplie « Tapisserie de Bayeux » s’impose : haubert de maille, casque conique à nasal, écu en amande. Parfaite pour la cavalerie lourde, elle diffuse une esthétique féodale qui prépare la chevalerie des XIIe–XIIIe siècles.
• Haut Moyen Âge (VIe–XIIe s.) : suprématie de la maille
Le hauberk (longue tunique de maille), les chausses et la coiffe protègent largement. La maille absorbe bien la taille, moins l’estoc et les chocs contondants. Poids typique 15–20 kg, réparti ; la mobilité reste bonne mais la protection contre l’arc puissant devient un enjeu.
• Moyen Âge central (XIIIe s.) : armures mixtes
La maille reçoit des plaques additionnelles : brassards, spallières, genouillères, plastrons rivetés ou lacés sur textile/cuir. La brigandine — veste garnie de petites plaques internes — se démocratise : excellent compromis coût/protection/mobilité. Les premiers casques fermés (ex. grand heaume) cherchent à protéger intégralement la tête au prix d’une vision réduite.
• Bas Moyen Âge (XIVe–XVe s.) : apogée des plates
Le harnois de plates complet couvre le corps d’acier articulé : plastron, spallières, brassards, gantelets, tassets, cuissots, grèves, solerets. Les ateliers italiens (Milan, Brescia) et allemands (Nuremberg, Augsbourg) mènent l’art à son sommet : lignes sobres vs formes nervurées. Bien équilibrée (25–30 kg), l’armure permet course, combat, équitation.
• Armures de tournoi (XVe–XVIe s.)
Spécialisées pour la joute, elles sont asymétriques (grosses gardes, renforts côté lance), visières étroites, profils conçus pour encaisser l’impact frontal. Plus lourdes et rigides, elles brillent en lice, pas sur le champ de bataille : la spectacularisation de la chevalerie.
• Armures d’apparat (Renaissance)
Gravées, dorées, parfois incrustées de tissus précieux, elles servent à éblouir. Le harnois devient objet de représentation politique et de majesté. À mesure que la poudre s’impose, la fonction militaire recule, l’esthétique s’épanouit.
• Byzance, Orient, peuples des steppes
Armures lamellaires (plaquettes liées sur support), écailles, cuir bouilli : solutions légères et mobiles adaptées à la cavalerie rapide. Les échanges (guerres, commerce, croisades) infusent des idées qui inspirent l’Occident et inversement.
• Japon (samouraïs)
Le yoroi lamellaire, la cuirasse dō et le kabuto à crêtes illustrent une autre philosophie : souplesse, symbolique, élégance. Comme en Europe, l’armure est aussi statut et rite.
Les grands types d’armures
Armures complètes et demi-armures
Harnois de plates complet
Protection intégrale articulée (plastron, spallières, brassards, gantelets, tassets, cuissots, grèves, solerets). Poids équilibré (25–30 kg), mobilité préservée.
Demi-armures
Torse et bras couverts de plates, jambes en maille. Compromis répandu chez les fantassins.
Armures de parade
Souvent dérivées des harnois, mais ornées de gravures, dorures et armoiries.
Casques
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Cervelière
Calotte en fer adoptée dès le XIIe siècle. Portée seule par les fantassins ou sous un heaume par les chevaliers, elle protège efficacement le sommet du crâne. Peu coûteuse, robuste, elle restera utilisée durant plusieurs siècles.
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Spangenhelm normand
Casque conique assemblé de plaques maintenues par des bandes métalliques, renforcé d’un nasal. Largement répandu, il combinait solidité, bonne ventilation et large champ de vision. Sa silhouette profilée déviait naturellement les coups.
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Casque viking
Inspiré du spangenhelm, souvent avec nasal, parfois avec lunettes de protection. Léger et modulaire, il privilégiait la mobilité et pouvait être réparé facilement. Il était l’allié des raids comme des batailles navales.
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Grand heaume
Apparu au XIIIe siècle, c’est un cylindre intégral qui recouvre tout le visage. Très protecteur contre les tailles et les traits, mais lourd et oppressant. Utilisé surtout en tournoi ou en siège, il impressionnait autant qu’il protégeait.
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Bassinet
Casque de prédilection du XIVe siècle, doté d’une visière articulée. Il offrait un excellent compromis entre vision, protection et confort. Son col pouvait être assorti d’un camail de maille ou d’un gorgerin.
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Salade
Casque arrondi avec une longue nuquière protectrice. Très répandu au XVe siècle, il était particulièrement apprécié des fantassins. Sa forme profilée favorisait la déviation des coups et, associé à une bavière, il verrouillait efficacement la gorge et la nuque.
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Armet
Casque compact et articulé de la Renaissance. Ses joues relevables, sa mentonnière et sa visière ajustée en faisaient un chef-d’œuvre d’ingénierie. Confortable et protecteur, il était très prisé des chevaliers d’élite.
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Barbute
Inspirée des casques grecs antiques, elle se distingue par son ouverture en T ou en Y. Sobre mais efficace, elle offrait une protection solide avec un bon champ de vision, et connut un grand succès en Italie.
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Casques de tournoi
Heaumes renforcés et asymétriques, spécialement conçus pour encaisser les lances en joute. Lourds et peu pratiques hors lice, ils sont l’expression la plus spectaculaire de la chevalerie compétitive.
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Kabuto japonais
composé de lames rivetées superposées, souvent orné de crêtes et d’emblèmes. Avec son masque facial (mempo), il inspirait crainte et respect. Pratique et bien ventilé, il symbolisait l’équilibre entre efficacité et esthétique.
Boucliers
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Écu triangulaire
Emblème du chevalier, orné d’armoiries.
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Targe
Petite, maniable, idéale pour le combat rapproché.
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Rondache
Bouclier rond métallique, utilisé avec les rapières à la Renaissance.
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Pavois
Immense, planté au sol, protection des arbalétriers en siège.
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Bouclier viking
Rond, en bois peint, outil défensif et offensif.
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Scutum romain
Rectangulaire et bombé, pivot de la défense légionnaire.
Pièces d’armure
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Plastron et cuirasse
Cœur de la protection, conçu pour dévier les coups. Les versions italiennes privilégient les surfaces lisses, les allemandes des arêtes nervurées pour renforcer la rigidité. Souvent décorés, ces éléments affirmaient aussi le prestige du porteur.
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Gorgerin et bavière
protections essentielles pour la gorge et les clavicules. La bavière s’assemblait au casque pour verrouiller complètement la zone, tandis que le gorgerin s’ajustait au plastron. Ensemble, ils comblaient l’une des zones les plus vulnérables.
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Spallières et pauldrons
Pièces couvrant les épaules, parfois prolongées pour protéger l’aisselle et le haut du torse. Articulées en lames superposées, elles guidaient les coups loin des articulations vitales.
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Brassards, coudières et vambraces
Défendaient les bras et l’avant-bras sans gêner le maniement de l’épée ou de la lance. Les coudières ailées repoussaient les pointes, et les vambraces gaînaient l’avant-bras en continuité avec le gantelet.
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Gantelets
Articulés, composés de segments métalliques couvrant les doigts, ils préservaient la dextérité tout en protégeant la main. Essentiels pour manier les armes avec précision.
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Tassets, cuissots, grèves et solerets
Ensemble défensif du bas du corps. Les tassets couvraient les hanches, les cuissots les cuisses, les grèves les tibias et les solerets les pieds. Articulés pour suivre le mouvement, ils permettaient de marcher, courir et monter à cheval.
Poids, mobilité et ajustage
Cottes de mailles
Hauberk, chausses, coiffe, base souple contre la coupe.
Gambison
Vêtement matelassé absorbant les chocs, porté sous l’armure.
Brigandine
Veste textile garnie de plaques internes rivetées, efficace et abordable.
Poids, mobilité et ajustage
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Une armure complète pesait en moyenne 25–30 kg, mais sa répartition permettait la course, le combat et la montée à cheval. Les articulations (charnières, sangles de cuir) assuraient la fluidité. L’acier trempé offrait dureté et élasticité, tandis que les textiles et le cuir absorbaient les chocs. L’ajustage sur mesure était la clé : une armure bien taillée valait mille fois plus qu’un simple assemblage de plaques.
Prestige et symbolique
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L’armure était un manifeste visuel. Gravures, dorures, armoiries signalaient une lignée, une richesse, un prestige. Dans les tournois, elle servait autant à briller qu’à protéger. Dans les cérémonies, elle devenait un costume politique, un symbole d’alliance et de pouvoir.
Héritage et continuité — Forge Royale
Chez Forge Royale, nous faisons vivre cet héritage. Toutes nos pièces sont fabriquées artisanalement : rivetage à la main, ajustage pièce par pièce, polissage et patines réalisés dans nos ateliers partenaires. Nous travaillons avec des artisans spécialisés — mailleurs, armuriers, forgerons — pour proposer des armures complètes, casques, boucliers et pièces de protection fidèles aux modèles historiques.
Notre démarche est la continuité de l’art de la forge : du feu et du marteau naît une pièce unique, qui devient fragment d’histoire. Si vous voulez comprendre les secrets de ce processus, explorez notre page Forge artisanale : savoir-faire et étapes de fabrication.
Une armure vit, et son entretien fait partie de son histoire. Découvrez nos conseils pratiques dans L’entretien des armes blanches et armures, pour protéger vos pièces du temps, de l’humidité et de l’usure.
Enfin, parce que certaines armes et armures ont marqué la mémoire collective, nous développons une gamme de Répliques d’armes et d’armures iconiques : des épées Ulfberht aux casques vikings de Gjermundbu, en passant par l’épée de Charlemagne (Joyeuse). Ces créations dialoguent naturellement avec l’imaginaire exploré dans notre page Armes mythiques et légendaires.